La Prière de Jésus

La Prière de Jésus est aussi par­fois appe­lée Prière du coeur ou encore la prière d'une pen­sée unique. Si la forme et les mots exacts de cette prière peuvent varier, cette prière est tou­jours simple et courte, afin qu'elle puisse être répé­tée en per­ma­nence, sans dis­trac­tion de l'es­prit.

Cette prière a une impor­tance par­ti­cu­liè­re­ment dans l'Or­tho­doxie. Elle été lar­ge­ment uti­li­sée, ensei­gnée et com­men­tée tout au long de l'his­toire de la chré­tienté orien­tale. En sa sim­pli­cité, elle forme la clef de voûte de la pra­tique spi­ri­tuelle et mys­tique de l'Église d'Orient, dont la fina­lité est l'union à Dieu, ou selon la ter­mi­no­lo­gie pala­mite la par­ti­ci­pa­tion aux éner­gies incréées de Dieu.

Si les mots de cette prière peuvent varier, une forme simple en consti­tue le plus sou­vent l'ar­ma­ture:

- en grec Kyrie Elei­son;
- selon une ancienne tra­duc­tion qui demeure la plus connue en France: "Sei­gneur, aie pitié";
- ou comme pré­fère désor­mais tra­duire l'Église ortho­doxe: "Sei­gneur, fais-nous misé­ri­corde".

Une forme élar­gie porte le nom habi­tuel de Prière de Jésus:

- "Sei­gneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, fais-moi misé­ri­corde".

Cette prière est la forme la plus usi­tée sur le Mont Athos (haut lieu du mona­chisme ortho­doxe) et dans la pra­tique de vie spi­ri­tuelle connue sous le nom d' hésy­chasme.

Sa pré­fé­rence vient de plu­sieurs points:

- elle est tri­ni­taire: Jésus y est dit Fils de Dieu (c'est-à-dire comme étant la deuxième per­sonne de la Sainte Tri­nité) et comme étant le Christ, c'est-à-dire oint de l' Esprit Saint.
- elle per­met de concen­trer son esprit sur le Nom de Jésus, au son duquel St Paul dit que tout genou flé­chit au Ciel et sur la Terre.
- elle est la prière du Publi­cain, don­née en exemple par Jésus-Christ dans la para­bole dite du Pha­ri­sien et du Publi­cain. Dans cette para­bole, le Christ montre en effet la bonne façon de prier. Le pha­ri­sien par sa longue prière, de son côté prie mal, en se féli­ci­tant devant Dieu de n'être pas un pécheur comme le publi­cain; tan­dis que le publi­cain n'ose pas lever les yeux vers Dieu, plein d'hu­mi­lité, il se contente de dire, avec jus­tesse, cette seule phrase: "Sei­gneur, fais-moi misé­ri­corde (ou encore "aïe pitié de moi"), pécheur". Le Christ conclue cette para­bole en disant que le publi­cain rentre chez lui jus­ti­fié et non pas le pha­ri­sien (Лк. 18:10-14).

D'autres exemples de prière courte sont citées dans les Evan­giles, comme lorsque Pierre crie, au moment où il s'en­fance dans les eaux: "Sei­gneur, sauve-moi". Dans tous les cas, il s'agit d'une prière simple, qui peut nous accom­pa­gner dans toutes nos acti­vi­tés et ainsi être pro­non­cée inté­rieu­re­ment en per­ma­nence, sans inter­rup­tion, afin de répondre à l'ex­hor­ta­tion de St. Paul de "prier sans cesse" (1Фес. 5:17). Cette prière devient per­pé­tuelle, selon le témoi­gnage des moines, si bien que même la nuit, selon une expres­sion du Can­tique des can­tiques que les moines ortho­doxes prennent comme devise: "Mon corps dort mais mon cœur veille". Les moines ont sou­vent à cette fin de longues ses­sions de prière où ils s'exercent à cette seule prière dans le cadre de leur dis­ci­pline, sou­vent à l'aide d'un cha­pe­let en laine ou en corde et sous la direc­tion d'un aîné (un "ancien"), par­fois appelé "sta­rets".

La sim­pli­cité de cette prière a par ailleurs l'avan­tage d'évi­ter la dis­trac­tion et de sim­pli­fier l'es­prit afin de le concen­trer sur la pré­sence de Dieu. En ce sens la prière de Jésus est par­fois décrite non comme une fina­lité, mais comme un che­min vers la prière pure, sans parole, dans le cœur à cœur avec Dieu. En ce sens, il est pos­sible de dis­tin­guer la prière de Jésus et la prière du Coeur , même si ces deux sont sou­vent prises comme syno­nyme, en ce que la pre­mière serait une voie menant à la seconde, qui serait son accom­plis­se­ment.

La prière de Jésus peut être accom­pa­gnée de pros­ter­na­tions (méta­nies) et de signes de croix. Elle est uti­li­sée comme un moyen pour trou­ver la contri­tion et d'ins­crire pro­fon­dé­ment l'hu­mi­lité dans le cœur le plus inté­rieur de l'in­di­vidu. L'un des fruits de cette prière doit être, selon une parole biblique, de trans­for­mer notre "cœur de pierre", en un "cœur de chair" sen­sible et ouvert à la grâce de l'amour divin.

À la fin de la prière sont par­fois ajou­tés le mot "pécheur" ou encore "le pécheur" comme s'il n'exis­tait pas d'autre pécheur que l'orant.

Elle est, pour les ortho­doxes, l'une des plus pro­fondes et mys­tiques des prières et sa répé­ti­tion inces­sante est sou­vent pra­ti­quée même par les laïcs comme pra­tique ascé­tique per­son­nelle. En effet, la spi­ri­tua­lité ortho­doxe insiste sur l'ap­pel de tout homme, laïc comme consa­cré, à la sanc­ti­fi­ca­tion et l'union à Dieu. C'est ainsi qu'une des théo­lo­giens les plus impor­tant du Chris­tia­nisme ortho­doxe, St Gré­goire Pala­mas affir­mait: "Qu'on n'aille pas pen­ser, frères chré­tiens, que seuls les prêtres et les moines ont le devoir de prier conti­nuel­le­ment, et non les laïcs. Non, non. Tous les chré­tiens ont en com­mun le devoir de se trou­ver tou­jours en prière".

Il y a eu aussi un cer­tain nombre textes catho­liques sur ce sujet, mais son uti­li­sa­tion n'a jamais atteint le même degré de dévo­tion que dans l'Église d'Orient. Une ver­sion plus éla­bo­rée connue de cer­tains catho­liques romains sous le même nom est: "O mon Jésus, par­donne-nous nos péchés, sauve-nous du feu de l'En­fer, et conduit toutes les âmes au Ciel, en par­ti­cu­lier ceux qui ont le plus besoin de Votre misé­ri­corde".

Spi­ri­tua­lité Ortho­doxe